1905-2005 : cent ans après la naissance du composi- teur, la France célèbre la mémoire d’André Jolivet. Rencontrer un interprète qui ne connaît pas les œuvres que le grand musicien a destinées à son ins- trument n’est pas rare. Cela le devient beaucoup plus lorsqu’il s’agit d’un flûtiste, et ce n’est pas un hasard. Il faut le reconnaître, André Jolivet, comme beaucoup d’autres créateurs, n’occupe pas encore la place qu’il mérite mais, après une éclipse provoquée par l’arrivée d’autres esthétiques défendues avec ardeur, revient en grâce. Cependant, on ne peut parler de retour en grâce chez les flûtistes. Chacun d’entre nous, en effet, a toujours au moins entendu parler des Cinq Incanta- tions, du Chant de Linos, du Concerto pour flûte – pour ne citer que les plus connus –, quand il ne les a pas étudiés voire adoptés comme cheval de bataille. La mémoire s’est, dans ce cas, conservée indépendam- ment de l’oubli général, tant le compositeur avait servi notre instrument, et tant certains grands flû- tistes avaient toujours reconnu André Jolivet pour ce qu’il était. Preuve en est, il y a dix ans, Traversières magazine, dans son numéro 50, avait publié un dos- sier sur le compositeur pour célébrer le quatre-vingt- dixième aniversaire de sa naissance, et regretté le peu d’écho rencontré par les manifestations donnant à entendre sa musique. Les temps ont changé et, dix ans après, le lustre des cérémonies est à l’ordre du jour, une parenthèse d’ignorance semble se refermer et la reconnaissance est là. Nous avons voulu, à notre tour et à notre façon, rendre un nouvel hommage au créateur qui a si bien su comprendre la flûte et son expression, et lui avons consacré ce numéro de l’été. Le numéro 50 de 1995 est épuisé. Nous avons réédité son « dossier Jolivet », l’avons revu et corrigé en accord avec ses rédacteurs d’alors, augmenté de deux nou- velles contributions dont une analyse fouillée du Chant de Linos, et avons réorganisé sa mise en pages. Nous avons souhaité associer la mémoire de Yoshihsa Taïra, décédé en mars comme il était écrit dans notre dernier éditorial, à celle d’André Jolivet. Le composi- teur japonais établi en France avait été son élève.
La mémoire d’un créateur est souvent perpétuée, ou tirée de l’oubli, grâce à des descendants actifs. Le ser- vice rendu par Christine Erlih-Jolivet à son père pour la diffusion de son œuvre est capital. L’activité déployée par Christine Géliot pour sauver l’œuvre de son ancêtre Mélanie Bonis est du même ordre, comme nos lecteurs ont pu le mesurer depuis son article publié dans notre numéro 73. Et l’on pourrait associer à ces témoins Louis Moyse, qui nous a transmis le témoignage que nous publions dans les pages sui- vantes à propos de son père, le légendaire Marcel Moyse au sujet duquel un premier livre en français est récemment paru. Témoin de la vie et de la carrière de son père, Louis Moyse l’est, comme Christiane Marion l’a été de la vie et de la carrière d’un autre célèbre flûtiste, Alain Marion, disparu en 1998. Tous deux ont accepté d’être membres d’honneur de notre association. Nous leur exprimons notre gratitude.

Pascal Gresset