Thibouville-France : La renaissance d’une marque mythique
François Masson, diplômé du Newark and Sherwood College et du City and Guild de Londres, restaure et fabrique des instruments à vent depuis plus de vingt ans. Avec son ami et collègue Marc Ecochard ils ont eu l’idée de redonner vie à une des marques mythiques de la facture française : La maison Thibouville. Il partage avec nous sa démarche et ses ambitions.
1/ François, vous avez récemment entrepris un énorme challenge en lançant la marque Thibouville-France. Pouvez-vous nous rappeler qui était Thibouville et quelles ont été vos motivations pour redonner vie à cette marque mythique de la facture instrumentale ?
Thibouville est le nom d’une des plus anciennes familles françaises de facteurs d’instruments de musique qui trouve son origine à La Couture-Boussey et Ivry-la-Bataille, dans l’Eure. Son histoire s’étale sur près de trois siècles et a pris de multiples formes aux cours des années. Les différents membres de cette famille et leurs successeurs ont développé et diversifié la fabrication d’instruments principalement à vent, puis d’instruments du quatuor à cordes entre autres.
Pour l’anecdote, dans les années cinquante, l’un de ces derniers successeurs se nommait Mr Masson.
La famille Thibouville a toujours répondu au développement de la pratique musicale et à l’émergence des conservatoires en proposant en série des instruments de bonne facture.
C’est dans cet esprit que le choix du nom Thibouville-France s’est imposé à nous. La réédition de cette marque nous permet de proposer une gamme d’instruments dédiés à la pratique de la musique ancienne et à son enseignement.
Avec Marc Ecochard, facteur de hautbois, nous nous sommes associés sur ce projet. Nos expériences et nos collaborations avec des musiciens et des professeurs nous ont amenés à réaliser des séries de hautbois baroques, traversos et bassons baroques, répondant aux exigences de qualité, d’équilibre acoustique et de fiabilité que l’on peut attendre d’une fabrication artisanale.
2/ La facture instrumentale a beaucoup changé depuis le début du 20e siècle, les techniques et matériaux également. Utilisez-vous les techniques modernes ou avez-vous conservé les mêmes méthodes que celles utilisées jadis ?
Le choix d’un nombre réduit de modèles d’instruments s’adapte à la fabrication en petite série sur machines conventionnelles très proches de l’équipement des ateliers d’il y a plus de 100 ans, tout en assurant des qualités constantes.
Hormis la découpe des ébauches de clés avec des outils modernes et l’utilisation d’outils informatiques d’acoustique, les instruments sont en grande partie manufacturés car nous sommes une structure tout à fait artisanale et modeste.
La plus grande difficulté a été de nous réapproprier des techniques qui avaient peu à peu disparu depuis le milieu du XIXe siècle, et qui nous ont permis d’assurer notre autonomie en terme d’éléments mécaniques et d’outillages spécifiques.
Les échanges de savoirs avec nos confrères facteurs ainsi qu’avec les entreprises historiques encore en exercice, nos recherches au sein des collections des musées européens, nous ont permis de retrouver et de maintenir ce savoir-faire.
En ce qui concerne les matériaux, ici aussi peu de choses ont changé, nous utilisons les essences locales comme le buis, le cormier, l’érable, mais aussi tropicales comme l’ébène du Mozambique certifié FCS.
3/ Parlez-nous de votre catalogue actuel d’instruments et plus particulièrement de votre traverso : sur quelles bases/modèles avez vous conçu ces premiers instruments ? A qui ceux-ci s’adressent-ils ?
Tout d’abord je tiens à préciser que tous les instruments de notre catalogue sont fabriqués et accordés dans le diapason le plus couramment utilisé dans la musique baroque, à savoir le La 415 Hz.
Le modèle de traverso que nous proposons a fait l’objet d’un choix évident avec les musiciens et professeurs avec qui nous travaillons, il est réalisé d’après G.A. Rottenburg et bénéficie d’une embouchure inspirée du facteur Delusse d’après un exemplaire restauré à l’atelier il y a quelques années.
Nous avons réussi à allier facilité d’émission et justesse, y compris sur les corps de rechanges au diapason La = 440 hz, récemment mis au point.
Ce traverso convient aux débutants comme aux musiciens confirmés qui peuvent être amenés à passer d’un instrument moderne au traverso à tout moment.
De la même manière, nous avons choisi de ne réaliser qu’un nombre réduit de modèles par famille d’instruments .
Cela permet d’avoir des instruments en permanence en stock et d’une grande similarité dans leur acoustique et qualité.
Dans nos catalogues respectifs, de hautbois pour Marc Ecochard et de clarinettes pour moi, nous proposons une liste exhaustive d’instruments couvrant une période très vaste et pour lesquels nous sommes amenés à travailler uniquement sur commande.
4/ Le catalogue de la maison Thibouville de l’époque était impressionnant notamment pour ce qui concerne les flûtes : traversos, piccolos, flûtes coniques avec système Boehm à anneaux, flûtes cylindrique avec système Boehm à plateaux… Ambitionnez-vous de redonner vie à ces types de flûtes prochainement ?
Bien sûr, nous souhaitons proposer d’autres instruments au catalogue. D’ailleurs certains sont d’ores et déjà prêts, comme un modèle de piccolo baroque et un basson classique.
Toutefois, nous souhaitons d’abord nous concentrer sur des modèles éprouvés et reconnus permettant un accès facile à la pratique de la musique ancienne.
La fabrication des modèles que vous évoquez est déjà bien représentée par nos collègues facteurs de flûte spécialisés.
Ceci n’excluant pas d’ailleurs la réalisation ponctuelle d’instruments spéciaux.
A terme, le catalogue s’ouvrira au concours d’autres facteurs et luthiers, souhaitant proposer et commercialiser sous la marque Thibouville-France un standard d’instruments dans le domaine de la musique ancienne, sous couvert de la validation des musiciens avec qui nous travaillons. C’est dans cet esprit collaboratif que nous souhaitons nous développer.
Afin de permettre à notre activité de se développer et de faciliter la collaboration avec nos différents intervenants dans la production de nos instruments, Thibouville-France va prochainement prendre ses quartiers dans un nouvel atelier début 2021, à Port-Louis (56), au sein d’un bâtiment de 300 m2 qui accueillera, entre autres, notre atelier et l’ensemble de nos équipements, un showroom et un espace pour les essais d’instruments.
Thibouville France
Contact : thibouvillefrance@gmail.com
Site Internet : www.thibouville-France.com
02 97 82 48 18
06 27 31 49 67
05 45 21 49 18
06 40 78 62 04